L'équipage de 1967 à aujourd'hui
Vu par Michel de Gigou, Maître d’équipage.
On peut se demander pourquoi en 1967 la Comtesse de Gigou et la Comtesse de Lorgeril ont voulu monter un Equipage de Grande Vènerie, sans territoire, sans chiens et sans l’appui de quiconque et même bien au contraire.
Il y avait bien eu la Duchesse d’Uzès… il y avait Madame de Rothschild, Maître d’équipage de « La Futaie des Amis » dont les chasses faisaient parfois la Une des quotidiens. Pourquoi deux Dames allaient-elles braver les habitudes pour mettre en place ce qui « ne devait pas durer longtemps » selon certains ?
Un bien aller
En fait pour ceux qui l’ont vécu de près, et j’en suis, cette décision est apparue inéluctable à la fin de saison 1964-1965, quand les divergences de vues sont apparues entre le Maître d’équipage Hervé de Saisy et la Comtesse de Gigou (bouton de l’équipage de M. de Saisy à ce moment là ) quant à l’attitude à avoir avec les gens de bordure de la Forêt de Cerisy. Il y eut séparation et nos Dames, très amies, ont assez vite envisagé de fonder un équipage pour chasser le cerf. C’était l’animal chassé à l’époque après qu’à la fin des années_ 50 et au début des années 60 la biche fut chassée régulièrement en Forêt de Lanouée par l’équipage de Monsieur de Saisy.
La décision prise, il restait beaucoup à faire et en premier lieu, faire passer le message avec succès auprès d’amis pour les inciter à rejoindre l’entreprise. C’est ainsi que se sont retrouvés fondateurs, le Comte et Comtesse Régis de Lorgeril, la Comtesse de Gigou, le Comte Jean de Lorgeril, Jean François Ledoux, Hervé le Drogo, mon frère Loïc et moi-même.
A ces Boutons du premier jour, s’est très vite jointe une bande de jeunes dans laquelle on retrouvait Patrick de Belle, Hervé Mercüez, Joël de Beauregard, Raoul d’Aubert et Catherine Noël encore parmi nous, tous détachés par la Faculté de Rennes pour travaux pratiques à La Bourbansais autour de l’embryon de chenil situé à cette époque près de la chapelle.
Ce petit parc grillagé abritait une dizaine de petits tricolores d’un gabarit entre le Beagle et le petit Anglo.
Restait à trouver un territoire de chasse, à définir la tenue, de la redingote au Bouton, la fanfare, autant de questions auxquelles il fut rapidement donné des réponses :
La tenue : Verte à parements en velours vert avec galons de vènerie, pantalon en velours côtelé blanc, ceinturon de Vènerie.
Le Bouton : dans un ceinturon de vènerie un massacre de cerf dix cors, entourant une Hermine de Bretagne, dessiné par Michel de Gigou
La Fanfare : « La Bourbansais » écrite par la Comtesse de Gigou.
Le territoire : La Forêt de Loudéac pour le cerf à courre était louée à l’ONF par la Comtesse de Gigou depuis des lustres, ce qui lui avait permis d’apporter des attaques aux amis. En fait, il n’y avait que peu de concurrence pour chasser le cerf dans ce massif car il n’y en avait pas ou très peu. Mais cela a permis à l’Equipage naissant de justifier d’un territoire qui ne le mettait en bagarre avec personne. Un programme discret d’apport d’animaux, venant d’horizons divers, sera mis en route avec le succès que l’on peut apprécier aujourd’hui.
Il est alors décidé que la Comtesse de Gigou dirigerait la chasse, et que la Comtesse de Lorgeril organiserait le chenil et surveillerait l’élevage des chiots. Rapidement maîtres et piqueux décideront également d’orienter l’élevage vers le Français Tricolore, race récemment mise sur les fonds baptismaux par M de Falandre.
L’homme de Vènerie, qui fut le premier retenu à prodiguer ses soins au chenil, fut baptisé « La Futaie ». Il connaissait peu la chasse mais en avait suivi quelques bribes autour du Ninian à Bréhélu. Son mot préféré était de dire « Je sais, je sais » avant qu’on ne lui parle, jusqu’au jour où la Patronne lui asséna « Oublie ce que tu sais et écoute ce que je vais te dire ». Je ne suis pas certain qu’il a oublié !!
Le paquet de chiens s’était en effet étoffé, au fil des semaines, avec des chiens achetés ou offerts, venant d’équipage chassant le Cerf mais n’ayant pas tous, loin s’en faut, le type Français Tricolore, sauf peut être, avec quelques rentrées venant de chez M Dieumegard et de chez Claude Armand. Voila donc les bases de l’Equipage de La Bourbansais en place…à chacun maintenant de faire en sorte de mettre tout ça en musique, j’entends bien la musique de la chasse. Les chiens sont donc sortis dans la camionnette Renault bleue d’une forêt à l’autre, de Loudéac aux différentes invitations. C’est de cette façon que notre première curée eut lieu dans les Bois de La Gravelle à l’automne 1967.
J’ai le souvenir de cette chasse car j’y ai pris un « savon » de la part de l’ancien propriétaire d’une partie des chiens, M Dieumegard, car j’avais servi un sanglier au ferme sous une coupelle de chêne. Il aurait fallu laisser la bête courir au risque de se retrouver sans rien le soir, comme ça été le cas 4 h plus tard, en revenant de la Forêt du Pertre, après une chasse derrière un cochon bien avisé de son potentiel.
Mon cochon lui ne nous avait pas semés car il n’avait pas fait un mètre !
Le soir, je crois que les chiens comme les gens ont apprécié cette curée inespérée. En effet s’il est facile de chasser, il n’est pas facile de prendre surtout quand on manque d’attaques.
Je le disais plus haut, mais quand le RV était fixé à Loudéac, il y avait 80 chances sur 100 de ne pas lancer. Seul Eugène, dit « Patte à Ressort », les voyait le jeudi ; or, nous chassions le samedi … on aurait sans doute du changer notre jour de chasse!!!
Je me souviens aussi du premier cerf pris par l’Equipage. Il l’a été en Foret du Gâvre dans le ruisseau de La Maillardais. Assez chaud du couteau et de plus envahi par l’émotion que représentait le fait de servir le premier cerf de l’équipage, je me précipitai vers l’eau et commençai à tomber la tenue quand j’entendis derrière moi une voix familière me dire « attend, laisse M. Armand, c’est lui qui va servir ! » Quelle déception !!
Maintenant chacun saura que Claude Armand a servi ce premier cerf, aboyé par quelques-uns de ses anciens chiens dont Quimper, grand chien Français robe assez clair, auteur d’un travail remarquable ce jour là dans le change (en forêt du Gâvre… on croit rêver)
Faut-il raconter la première St Hubert ? Le lecteur de ces lignes jugera de l’opportunité à garder en mémoire ou d’oublier ce récit.
En fait cette St Hubert avait été programmée en Forêt de Loudéac où chacun savait que même les pieds d’animaux (cerfs ou sangliers) de plus d’un mois étaient très rares en tous cas autant que ceux du moment présent. Il fallait donc assurer le coup ! C’est la raison pour laquelle un jeune « sanglier » s’est retrouvé en Forêt de Loudéac après avoir traversé Nantes et Rennes et cru à chaque feu rouge que la ballade était terminée. Rien de glorieux bien sûr pour le pauvre animal, et beaucoup de surprises chez les habitués du massif.
En effet, chacun y allait de sa réflexion après qu’au rapport il ait été annoncé qu’un sanglier avait tamponné une voiture la nuit précédente, « C’est pas possible, si y avait un sanglier je le saurais » disait Michard Hypothèque (son lieu de travail). Son frère Michard garage Renault de renchérir à la suite de la brève poursuite et de l’hallali « il a le cul jambonné, c’est pas un cochon d’ici !
L’arrivée de Daguet en 1971 nous a tous rendus plus sérieux et les chiens bien sous le fouet ont commencé à prendre dans des territoires aussi variés que Loudéac ou Le Gâvre, Eawy à l’invitation de Mme Saint, Orléans à celle du duc d’Estissac, ou encore la Coubre à celle de M. Mercier, ou enfin Mervent à celle des chasseurs à tir de La Balingue, et plus tard La Hardouinais où Hubert Labbe nous avait préparé le terrain.
Les différents comptes rendus sont très révélateurs des progrès rapides fait par le paquet de chiens qui vont même jusqu'à chasser deux jours de suite pour prendre (peut-être) le cerf lancé à Colisan. Les anecdotes vécues ensuite concernent aussi les suiveurs à pied ou à cheval, ou les cavaliers sans chevaux à la suite de séparations de corps dans des endroits plus ou moins humides ! Peu d’accidents graves si ce n’est pour notre ami Christian, chu en forêt de La Hardouinais.
Un certain nombre y sont allés d’une clavicule, d’une cheville, d’un poignet, de côtes, autant de blessures glorieuses subies au « combat » en forêt, derrière les chiens. Je ne m’étendrai pas là -dessus considérant que si j’ai cassé une de mes clavicules, c’est par ma faute. Fermez le ban !
Quand je reprends le fouet en 1999, la machine est très bien huilée, et je fais tout pour qu’on n’y change rien, avec bonheur je crois, jusqu’à cet hallali pour le 1000ème, sonné au Défend, chez le Baron de Lassat, en compagnie d’amis du Haut Poitou et de Bois-Chaut Bas- Berry. J’ai le souvenir du moment précis où le cerf rendait son dernier soupir, et de la chute de 3 ou 4 flocons de neige laissant à penser que l’instant était béni des dieux de la Vènerie. Instant, vécu avec Hervé et Daguet, qui restera pour moi comme un moment très fort de notre histoire.
Que dire de plus maintenant ? Que depuis cette saison, Daguet, faisant valoir ses droits à la retraite, est remplacé par Débucher son élève qu’il continue à aider dans sa position de Master. Le « Maître » avait bien préparé la transition et le passage des galons à Débucher s’est fait dans la continuité.
Bravo aux deux et merci de vos engagements respectifs !
Je crois que l’Equipage, organisé comme il l’est depuis le début, avec ses valeurs et ceux qui les mettent en œuvre, permet d’envisager l’avenir avec une certaine sérénité. Que de chemin parcouru à la chasse depuis le premier hallali de ce petit sanglier à La Gravelle pour cet Equipage prévu pour chasser le cerf !
En même temps quel beau travail au chenil pour faire que ces chiens de qualité soient devenus des chiens homogènes, considérés depuis plusieurs années comme une des références en Français Tricolore.
La méthode pour demain…on la connaît, elle est mise en œuvre depuis 1967!
Il n’y a plus qu’à continuer, facile ! Pas si sûr. Mais j’ai l’espoir avec tous, Boutons, Gilets, Master, Piqueux et Suiveurs dans un avenir à l’image de la saison que nous vivons.