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Les vegans n'aiment pas plus les animaux que les humains, entretien!


Jean-Pierre Digard est anthropologue, directeur de recherche émérite au CNRS et membre de l'Académie d'Agriculture de France.

Jean-Pierre Digard réagit aux protestations des militants vegan organisées ce week-end devant des boucheries. Selon lui, ces démonstrations révèlent la vacuité et la crispation d'un mouvement avant tout idéologique.

Ce week-end, de nouvelles manifestations vegan se sont déroulées un peu partout en France, devant des boucheries. Il y a quelques mois, des affrontements avaient même eu lieu.

Doit-on s'étonner de la radicalisation du mouvement vegan, qui se présente pourtant comme pacifique?

Le mouvement véganien (pour parler français) se dit pacifique… envers les animaux, mais non envers les humains qu'il accuse de tous les maux. Le véganisme ne doit pas être confondu avec le végétarisme (opposé à la consommation de viande) ni avec le végétalisme (opposé à la consommation de tous produits animaux: lait, œufs, miel, etc.).

Le véganisme, lui, pousse la logique jusqu'à l'extrême: il s'oppose à toute possession et utilisation d'animaux sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, au nom de l'antispécisme (c'est-à-dire du traitement égalitaire de toutes les espèces animales). Par ailleurs, ce mouvement est ultra-minoritaire (0,2 % de la population française) et a besoin, pour faire parler de lui, d'actions spectaculaires - et visiblement la presse, toujours avide de «scoops», tombe dans le panneau!

Enfin, il est composé d'une nébuleuse de groupuscules que leur rivalité entraîne dans la spirale de la radicalisation, d'où ces actions aussi stupides qu'inutiles, qui ne font que discréditer les véganiens aux yeux de l'opinion publique.

Les vegan ont-ils raison de s'attaquer aux bouchers? Ils ne sont pas responsables de la maltraitance animale…

Les bouchers ne sont que les derniers maillons d'une chaîne: ils ne travaillent que sur des animaux déjà morts et ne sont donc coupables d'aucun acte de maltraitance! Les bouchers sont en outre les plus exposés et les plus vulnérables car ils sont, par définition, ouverts au public: s'en prendre à eux est donc particulièrement lâche. En définitive, les attaques de boucheries ne sont rien d'autre que les actes désespérés et contre-productifs de groupuscules extrémistes et à court d'arguments.

Une «menace vegan» serait-elle à prendre au sérieux?

Toute menace d'agression contre des personnes, d'où qu'elle vienne, est à prendre au sérieux. Il n'est pas sans signification qu'aux États-Unis, l'éco-terrorisme soit classé en deuxième position des menaces terroristes, derrière le djihadisme.

Sur le fond, les vegan n'ont-ils pas raison de vouloir défendre les droits des animaux face à la maltraitance ou la cruauté de certaines pratiques?

Peut-être, mais cette idéologie est fondée sur un principe erroné et irréaliste: l'antispécisme. Le mot est calqué sur celui d'«antiracisme» pour l'espèce humaine ; or les deux notions n'ont rien de comparable: alors que l'absurdité du racisme tient à l'inexistence des races dans l'espèce humaine, le spécisme est absurde, à l'inverse, parce que les espèces existent bel et bien, et qu'elles ont un contenu biologique qui dresse entre elles des barrières génétiques infranchissables, sauf rares cas d'hybridation.

De plus, le règne animal comprend quelque dix millions d'espèces, qui vont des invertébrés aux mammifères, et qu'il est par conséquent inconcevable de traiter sur un pied d'égalité.

Cette idéologie est fondée sur un principe erroné et irréaliste : l'antispécisme.

Les véganiens, non seulement ne connaissent rien aux animaux, mais ils ne les aiment pas - Peter Singer, l'auteur d'Animal libération (1975), leur maître à penser, ne s'en cachait d'ailleurs pas! -, pas plus qu'ils n'aiment les humains. S'ils les connaissaient et s'ils les aimaient, ils ne réclameraient pas la «libération» des quelque vingt-cinq milliards d'animaux domestiques (à ne pas confondre avec les animaux de compagnie) dont le sort est lié à celui des humains depuis une dizaine de millénaires.

Le réalisme impose au contraire de reconnaître la nature omnivore de l'espèce humaine, de même que sa légitimité à posséder, à élever et à utiliser des animaux, y compris pour son plaisir, pourvu qu'elle le fasse en les respectant. Or respecter les animaux, c'est respecter leurs différences: on ne saurait traiter des chevaux, des porcs ou des poules de la même manière.

Traiter un animal pour ce qu'il n'est pas (par exemple, un chat ou un chien comme substitut d'enfant), c'est le traiter mal, c'est le maltraiter (d'où l'émergence, relativement récente, de la spécialité de vétérinaire «comportementaliste»).

Bref, le respect des animaux, c'est le spécisme, pas l'antispécisme!

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